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Femmes de Tech

Véronique Bonnet, Directrice Générale de l’ESME
par David Abiker

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Diplômée de l’École Nationale Supérieure d’Arts et Métiers (ENSAM), Véronique Bonnet est directrice générale de l’ESME depuis 2015. La place des filles dans la tech est un sujet qu’elle connaît bien et qu’elle s’emploie à faire progresser à la tête de l’école. EImagen dix ans, la proportion d’étudiantes à l’ESME est passée de 18% à presque 30%.


Vous avez commencé votre carrière dans l’industrie avant de rejoindre l’enseignement supérieur : qu’est-ce qui a motivé ce virage ?

Après une douzaine d’années passées dans la maintenance industrielle, un environnement exigeant marqué par des contraintes fortes de réduction des coûts et de gestion de conflits sociaux, j’avais démontré qu’une femme pouvait parfaitement réussir dans un métier traditionnellement masculin - ce qui était l’un de mes moteurs à la sortie de l’ENSAM. J’ai ensuite ressenti le besoin de donner davantage de sens à mon parcours professionnel. L’enseignement s’est imposé comme une évidence : il me permettait de valoriser mon expérience au service de la formation et surtout de l’insertion professionnelle des étudiants.
 

Diriger une école d’ingénieurs centenaire comme l’ESME, c’est hériter d’une histoire masculine : comment y insuffle-t-on une culture plus inclusive ?

Mon parcours dans des secteurs très masculins comme la maintenance ou la papeterie m’a appris à évoluer dans ces environnements et à y trouver ma place. Je me suis immédiatement sentie très bien dans cette école qui, je le crois, m’a assez vite « adoptée ». J’ai souhaité transmettre cette capacité d’adaptation aux jeunes femmes attirées par les sciences et le monde de l’entreprise. J’ai constitué un comité de direction paritaire, convaincue que l’exemplarité est un levier puissant. Et les résultats sont là : en  dix ans, la proportion d’étudiantes à l’ESME est passée de 18 % à presque 30 %.
 

Quelles sont selon vous les principales barrières - visibles ou invisibles - qui freinent encore les carrières féminines dans la tech ?

Les freins sont avant tout d’ordre sociologique et culturel. Le manque d’enseignement des sciences appliquées dès l’école primaire joue un rôle important. Beaucoup d’enseignants du premier degré, souvent des femmes, ne sont pas toujours à l’aise avec ces disciplines. Les filles, quant à elles, doutent plus souvent de leurs compétences en mathématiques, et lorsqu’elles rencontrent des difficultés, elles sont moins encouragées que les garçons à persévérer.


Comment l’ESME agit-elle concrètement pour attirer et accompagner davantage d’étudiantes vers les métiers d’ingénieur ?

Nous adoptons une communication inclusive, pensée pour parler aussi aux jeunes filles. Nous mettons notamment en avant les finalités humaines du métier d’ingénieur. Puisque la société oriente souvent les filles vers les métiers du « care », nous montrons qu’être ingénieur, c’est aussi œuvrer pour les autres et améliorer concrètement la vie quotidienne.


En quoi le regard des jeunes femmes sur la tech a-t-il pu changer depuis que vous dirigez l’école ?

Je ne prétends pas avoir le pouvoir de transformer les mentalités à moi seule. Mais nous faisons tout pour montrer l’exemple, encourager les jeunes femmes comme les jeunes hommes, leur donner confiance et les inciter à prendre des responsabilités. Cette année, par exemple, trois des quatre BDE de nos campus à Paris, Lille, Lyon et Bordeaux sont présidés par des étudiantes. C’est un signal fort.


La parité est-elle un objectif chiffré ou un état d’esprit à construire sur le long terme ?

Il est difficile d’en faire un objectif chiffré strict, car de nombreux facteurs externes entrent en jeu. La réforme du baccalauréat, par exemple, a eu des effets très négatifs sur la mixité dans les filières scientifiques. La parité est avant tout un état d’esprit à cultiver dans la durée.
 

Vous êtes membre de plusieurs instances de l’enseignement supérieur : sentez-vous une évolution réelle des mentalités au sein des écoles d’ingénieurs ?

Nous sommes aujourd’hui nombreuses à diriger des écoles d’ingénieurs. Je ne saurais dire si notre proportion augmente, mais je peux affirmer que nous avons toute notre place dans ces fonctions. Les lignes bougent, même si le chemin reste à poursuivre.
 

Quels modèles féminins ont compté pour vous - et que diriez-vous à une jeune fille qui hésite encore à choisir cette voie ?

Mes premiers modèles ont été des femmes de lettres qui ont œuvré pour l’égalité entre les sexes. Je pense notamment à George Sand, dont j’ai lu l’autobiographie très jeune avec une immense admiration. Ces figures m’ont transmis la conviction qu’être une femme ne devait jamais être un frein à ses ambitions. Pour ma part, j’aimais les mathématiques et la physique, et c’est tout naturellement que je me suis orientée vers cette voie. Face à une jeune fille qui hésite à choisir ce chemin j’insiste sur les innombrables possibilités ouvertes par ce type de formation et encore plus pour les femmes car les entreprises ont aussi des objectifs de parité.
 

L’intelligence artificielle, l’énergie, la cybersécurité : dans quels domaines voyez-vous aujourd’hui les plus belles opportunités pour les femmes ingénieures ?

Ces trois domaines offrent des perspectives passionnantes pour les femmes ingénieures. J’espère qu’elles seront nombreuses à s’orienter vers l’intelligence artificielle, car parmi les nombreux défis qu’elle soulève, celui des biais de genre est crucial. Il est essentiel que des femmes participent à la conception des algorithmes pour garantir une technologie plus équitable.
 

Enfin, qu’aimeriez-vous que l’on retienne de votre parcours - en tant que dirigeante, ingénieure et femme dans la tech ?

J’aimerais que l’on retienne mon énergie et mon enthousiasme pour les multiples opportunités qu’offre une formation d’ingénieur. Et surtout, le plaisir que j’ai à accompagner les jeunes dans leur parcours, pour les aider à trouver une voie professionnelle qui leur ressemble, qu’ils soient filles ou garçons.


Pourquoi jeune fille vous êtes-vous orientée vers des études d’ingénieure ?

J’ai toujours été curieuse de comprendre comment les choses fonctionnent, j’aimais construire des objets et imaginer des solutions. Les mathématiques me passionnaient. Un de mes meilleurs amis voulait devenir ingénieur, nous partagions les mêmes centres d’intérêt, alors nous nous sommes inscrits ensemble en classe préparatoire. J’avais la chance d’avoir grandi dans un environnement qui m’avais donné confiance en moi et je n’ai pas hésité à faire ce choix.

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