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Femmes de Tech

Delphine Lescarcelle-Evin, DSI Statistiques-Etudes, Prudentiel et Opérations - Banque de France
par David Abiker

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Rien ne prédisposait Delphine Lescarcelle-Evin à s’orienter vers les systèmes d'information à part les maths qui l’ont d’abord orientée vers une fac d’économie. Ce sont les rencontres qui ont provoqué chez elle « un coup de foudre » pour l’informatique après avoir réussi le concours d’entrée à la Banque de France. Son premier projet, les réseaux, d’autres ont suivi notamment le passage à l’euro, et des années plus tard, la voilà DSI de l’honorable établissement.
 

Comment décririez-vous votre job à des élèves de troisième ou de seconde ? 

Je travaille à la Banque de France (BDF), une institution essentielle pour notre économie. La BDF a trois grandes missions : (i) elle pilote la politique monétaire avec la Banque centrale européenne, (ii) elle supervise les banques pour garantir leur solidité et la stabilité financière, (iii) et elle produit des études économiques pour mieux comprendre l’économie et aider à prendre les bonnes décisions. Mon rôle de Directrice à la Direction générale des Systèmes d’Information, c’est de contribuer à piloter la stratégie informatique de la Banque. Concrètement, je suis en charge de la réalisation des projets informatiques utilisés dans l’exercice des missions de Banque Centrale. Pour cela dirige une équipe d’une centaine de collaborateurs, avec : des architectes informatiques, qui conçoivent les fondations techniques de nos systèmes, des chefs de projets et des équipes de développeurs, qui construisent les solutions numériques utilisées au quotidien par les économistes, les analystes financiers ou les superviseurs de la Banque. Ces plateformes permettent par exemple de traiter des millions de données économiques, de réaliser des opérations sur les marchés et des paiements ou de surveiller les risques dans le système bancaire. Également ma mission consiste à rendre notre informatique à la fois innovante et responsable. On investit dans des technologies comme la blockchain pour expérimenter de nouvelles façons de sécuriser les échanges ou de créer une monnaie numérique. Nous œuvrons aussi pour une informatique plus sobre, en optimisant nos infrastructures et en réduisant notre empreinte carbone. En résumé, je dirige des équipes passionnées de tech pour que l’innovation numérique serve les grandes missions de la Banque de France, de manière sécurisée, efficace… et durable. 
 

Pourquoi avoir choisi l’informatique et les systèmes d’information (à moins qu’ils ne vous aient choisie…) ? 

Très belle question David, et je vous dirais que c’est un peu des deux : l’informatique m’a choisie et je l’ai choisie en retour. Je suis entrée à la Banque de France sur concours et mon premier poste a été d’être chef de projet dans les réseaux informatique. Ça a été le grand saut car très éloigné de ma formation d’origine : j’ai appris sur le tas (et grâce à mes collègues de l’époque) , suivi de nombreuses formations… Le déclic a été la conduite de projet, un acquis et une passion que j’ai pu ensuite redéployer pour piloter le passage à l’euro. La carrière que l’on fait vient souvent d’opportunités qu’il ne faut pas hésiter à saisir.
 

Quel a été le facteur qui a déterminé votre orientation, vos études, votre intérêt pour la tech, vos parents ? 

Mon appétence pour les matières scientifiques m’a orientée vers l’Université Paris Dauphine (une licence en mathématiques appliquées et le Magistère Banque Finance Assurance). Mes études à Dauphine qui m’ont permis de faire le lien entre les mathématiques et la capacité à modéliser une économie, des phénomènes boursiers… Mais rien ne me prédisposait à aller vers l’informatique !
 

Une personnalité, un événement, un prof, que sais-je encore, a-t-il compté durant vos études ?

Ce sont surtout mes rencontres professionnelles et les DSI de la Banque de France de l’époque qui m’ont fait découvrir la richesse de ces métiers, m’ont fait confiance en me donnant très tôt des responsabilités. Très vite j’ai pu prendre la tête d’un service de développement. Ca a été un coup de foudre professionnel pour l’informatique puisque j’ai rapidement compris la capacité qu’a le numérique à servir les métiers et à les transformer concrètement.
 

Qu’est-ce qui vous a orientée vers la Banque de France ? 

Ce qui m’a attirée vers la Banque de France, c’est d’abord le sens de ses missions et du service public. Travailler pour une institution qui œuvre pour la stabilité financière, qui protège les citoyens, qui éclaire les décisions économiques par ses analyses… c’est extrêmement stimulant et porteur de sens.Et puis, la Banque de France, c’est aussi un environnement d’une richesse technologique insoupçonnée avec des systèmes critiques à l’échelle nationale et européenne, des volumes massifs de données, des technologies de pointe comme la blockchain dont je vous ai parlé, le cloud souverain et l’IA. La Direction des SI a d’ailleurs représenté la Banque de France au Sommet pour l’IA en dévrier 2025, preuve de notre positionnement de pointe sur ces sujets. 


La Banque de France a des missions spécifiques, la direction des systèmes d’information y est-elle spécifique ? 

Nous partageons collectivement une vraie culture de l’engagement, de l’exigence, mais aussi de l’utilité publique. Quand on est engagée dans la tech, pouvoir mettre ses compétences au service de l’intérêt général, de l’innovation, tout en travaillant avec des équipes de très haut niveau, c’est une opportunité rare — et précieuse. Compte tenu de nos activités les exigences de sécurité, de confidentialité et de disponibilité sont très élevées. D’autant que, nous développons et hébergeons certaines solutions pour l’ensemble des Banques Centrales de l’Eurosystème.
 

Les enjeux de sécurité sont-ils encore plus importants qu’autrefois depuis que le monde a changé ? 

Très certainement et le risque Cyber est au cœur des préoccupations de notre DSI.


Où sont hébergées les datas de la Banque de France ? 

Là où le gouvernement de la Banque a estimé qu’elles seraient en sûreté : dans nos propres datacenters ! (sourire)


Que diriez-vous à des jeunes filles voire des jeunes femmes qui se disent « les études scientifiques ou les maths ou l’informatique, ça n’est pas pour moi ? 

Comme je l’ai dit à mes propres filles, je leur dirai d’abord : ne vous autocensurez pas. Trop souvent, on se dit que les maths ou l’informatique, c’est “réservé” aux garçons. C’est totalement faux. Les sciences, la tech, ce sont des domaines passionnants, ouverts, qui ont besoin de toutes les intelligences, de toutes les sensibilités, et donc aussi des vôtres. Il n’y a pas de parcours unique, la vie est faite de rebonds et d’opportunités il faut les saisir, faire preuve de curiosité et d’ouverture, et se faire confiance.Je ne vous dirai pas que c’est toujours facile — on peut douter de ses capacités — mais justement : c’est parce que l’on se mobilise qu’on arrive à relever ces défis. Et dans l’informatique, on ne cherche pas uniquement des génies du code. On a besoin de personnes qui réfléchissent, qui collaborent et qui rassemblent, qui conçoivent, qui innovent, qui communiquent. Il y a de la place pour toutes celles qui ont envie d’apprendre et de contribuer.Alors si ces filières vous attirent, osez les explorer. Ne laissez personne — et surtout pas vous-même — vous convaincre que ce n’est pas pour vous. C’est d’ailleurs le nom de l’événement dont je suis le sponsor à destination des collégiennes et collégiens, en partenariat avec l’Académie de Paris, l’appui du CRIP et de l’association ProLogin : osez les métiers du numérique !
 

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ? 

Ce qui me fait lever le matin, c’est l’envie d’avoir de l’impact, de savoir que grâce à mon travail et à celui de mes équipes, des missions essentielles pour l’économie fonctionnent, que la stabilité financière est maintenue, au service du public … car j’ai la chance de travailler en proximité directe de ces métiers. Je pense aussi à la richesse des défis technologiques. L’informatique évolue sans cesse, et dans un environnement aussi stratégique que la Banque de France, on est toujours à la croisée de l’innovation, de la sécurité et de la responsabilité. Chaque journée est différente : on peut travailler sur des plateformes de supervision bancaire, des expérimentations en blockchain, ou des projets de sobriété numérique. Je ne m’ennuie jamais. Enfin et pas des moindres, il y a mes équipes, que je salue chaleureusement ici, qui donnent du sens au quotidien. J’ai la chance de travailler avec des collègues formidables. Travailler avec des architectes, des équipes de développement, des expertes et experts engagés, avec qui on partage des valeurs fortes, c’est un vrai moteur. Au-delà de toutes les transformations, l’humain reste au cœur de la tech.
 

Quel est votre pire cauchemar professionnel ? 

Ai-je vraiment envie d’en parler ? [Rires de Delphine…]Au vu de la criticité des systèmes que nous exploitons pour la stabilité financière et la souveraineté économique et que je vous ai déjà décrits, mon pire cauchemar serait la survenue d’une panne majeure ou d’une cyberattaque qui paralyserait l’économie toute entière ! C’est donc pour empêcher la survenue de ce cauchemar, qu’à la Direction des Systèmes d’information de la Banque de France, au quotidien, nous sommes collectivement en alerte permanente, nous testons nos défenses, nous entraînons nos équipes, et nous investissons dans la résilience et la cybersécurité.

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